Login

« Les grandes tendances annoncées pour la politique agricole européenne ne seront pas amendées malgré le Covid »

Bernard Ader, président du comité Europe de La Coopération agricole et vice-président de la Cogeca

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Président du comité Europe de La Coopération agricole et vice-président de la Cogeca, Bernard Ader relève les points de vigilance sur l’orientation prise par l’UE et exprime son souhait d’être acteur d’un « nouveau monde ».

Quel rôle remplit le comité Europe de LCA ?

Le comité Europe de La Coopération agricole a été créé en septembre 2019 et est animé par Claire Martin, qui gère notre bureau européen depuis cinq ans. Nous souhaitons faire entendre notre voix de façon concordante dans un contexte où une nouvelle politique européenne est en cours. Ce comité recueille les remontées des filières et des coopératives et apporte compréhension et bonne interprétation aux entreprises. Il tient un rôle pivot dans un temps de réactivité qui s’est accéléré. Aujourd’hui, le temps d’information est de l’ordre de la journée. Outre la Pac, ce comité de quinze élus s’intéresse à des sujets tels que le climat ou la chaîne alimentaire.

À la suite de la prise de la présidence de ce comité, j’ai pu postuler en novembre à la vice-présidence de la Cogeca. Au sein de cette instance, nous pouvons nous évaluer par rapport aux autres coopératives européennes. Et prendre la mesure de ce que nous sommes, la coopération agricole française, dans les bons et moins bons côtés. Nous sommes souvent pris comme exemple. La France a la réputation de faire vivre son modèle coopératif de façon très professionnelle.

Comment appréhendez-vous les orientations annoncées ?

Déjà, nous avons pu sauver les meubles pour le budget qui est stable et qui sera valable pour la nouvelle Pac attendue en 2023 avec des objectifs ambitieux. D’autre part, les stratégies Farm To Fork et biodiversité nous font entrer dans une grande évolution.

Nous sommes d’accord sur l’ambition environnementale affichée. Dans le même temps, nous sommes tenus d’assurer un certain volume alimentaire. On doit alors être soutenu en termes d’innovation, de formation, de recherche et d’investissement pour atteindre les objectifs annoncés. Aussi, nous attendons les études d’impact de la Commission européenne. Nous naviguons avec des effets d’annonce et un Covid qui a fait émerger deux points de vigilance, la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire dans le monde. Or, la trajectoire de verdissement est maintenue alors que celui-ci n’est pas simple à mener quand il se confronte à des réalités telles que la crise Covid.

Si certains taquets sont levés, comme les nouvelles techniques d’obtention végétale, ce verdissement pourra être plus simple à conduire. Pour les pesticides, le chemin est réalisable mais complexe car il est composé d’une somme de solutions techniques et d’expériences. D’où l’enjeu de l’accompagnement dont les moyens sont en cours de construction.

De quelle façon participez-vous à cette construction ?

Nous sommes partie prenante de cette construction par le biais du plan stratégique national (PSN) auquel nous abondons avec la rédaction d’un cahier d’acteurs déposé sur la plateforme de consultation publique ImPACtons. La Coopération agricole y expose sa position, notamment sur les outils qu’elle souhaite privilégier dans la Pac, autour de la gestion des risques, du renforcement de l’organisation économique via les coopératives, du maintien des aides couplées si elles sont en phase avec le marché et de l’accompagnement de la transition agroécologique.

Et aussi sur les distorsions de concurrence intra-UE ou pays tiers. Sujet que nous traitons au sein de la Cogeca car selon l’interprétation des règles, certains pays mettront moins la pression et seront alors plus compétitifs sur le marché. Nous en discutons pour trouver des compromis limitant ces effets.

Quelle est votre influence ?

Nous agissons partout où nous pouvons agir au travers de la Cogeca : outre la commission agricole, nous devons nous faire entendre auprès de la commission environnement et du Parlement.

Nous sommes écoutés et nous pesons car nous sommes un organe territorial majeur sur les territoires. Les pouvoirs publics sont conscients que pour basculer dans un nouveau monde, cela ne peut pas être sans nous. En plus, nous sommes très volontaristes là-dessus, donc on a compris qu’il était d’un grand intérêt de le faire avec nous. Nous sommes un acteur engagé pour faire partie du changement de ce monde. Lors du Covid, tous les protagonistes ont joué le jeu pour l’intérêt commun. Et de là, très certainement, il y a un crédit qui a été amplifié pour la coopération.

On voudrait qu’en 2050, quand un bilan sera tiré, on puisse dire : les coopératives et les agriculteurs qui leur ont fait confiance ont contribué au succès de ce nouveau monde avec une agriculture plus vertueuse, des territoires fiers de leur agriculture et des agriculteurs fiers de leur métier et de leur coopérative.

Avez-vous un message particulier à délivrer ?

Oui, dire que notre engagement est total et qu’il frôle presque la dévotion : nous pensons Europe, nous mangeons Europe. C’est une chance que j‘ai de pouvoir représenter la coopération au niveau européen et je m’y engage à 2 000 %. Je comprends la responsabilité que nous portons pour dessiner ce nouveau monde et nourrir la planète dans un esprit de solidarité, car nous devons faire bien et bon pour tous, y compris pour les plus démunis. Nous nous bat­tons alors pour avoir un système extrêmement cohérent.

Hélène Laurandel

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement